Les conflits armés

La guerre de 1870-1871
sur notre commune

Des affrontements sanglants ont lieu tout autour de Vendôme dans la deuxième quinzaine de décembre 1870. © (Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871) Léonce Rousset)

Préparatifs à conflit armé

La candidature d’un Hohenzollern au trône d’Espagne (un cousin de Guillaume 1er, roi de Prusse) provoque en Juillet 1870 un conflit avec la France. La dépêche d’Ems (du 13 Juillet 1870), revue et corrigée par Bismarck, déclenche l’indignation des Français et le 19 Juillet Napoléon III déclare la guerre à la Prusse.

Les premières traces écrites de cette guerre dans les registres d’Yèvres concernent une souscription pour l’Armée Française. Dès le début des hostilités, 320 souscripteurs de la commune récoltent une somme totale de 488,15 F pour l’effort de guerre (à l’époque, le salaire annuel d’un instituteur était de 500 F).

Sous le Second Empire, l’armée est formée par le contingent recruté par tirage au sort. Elle est doublée par la Garde Nationale mobile qui recrute les « bons numéros » et les remplacés qui effectuent 15 jours d’exercices par an jusqu’à l’âge de 25 ans. Un mauvais numéro peut payer un remplaçant pour effectuer le service militaire à sa place.

 

Dans les registres d’Yèvres, nous ne  retrouvons que les listes des plus de 25 ans :

  • une première Compagnie de 191 hommes,
  • une deuxième Companie de 165 hommes,
  • un Corps de 21 Sapeurs-Pompiers,
  • une réserve de 151 hommes de plus de 65 ans,
  • deux Citoyens dispensés de service : les instituteurs Motte et Poulain,
  • 32 personnes réformées pour raison de santé.

Les jeunes de 18 à 25 ans sont appelés dans l’armée régulière. Les archives signalent deux soldats d’Yèvres morts pour la France.

  • François-Lubin POULAIN né à Yèvres le 19/09/1849
  • Auguste THIBAULT né à Yèvres le 09/06/1848

Chute du IIème Empire – IIIème République

Mal préparée, mal équipée, l’armée française capitule à Sedan le 1er Septembre 1870, ce qui entraîne la chute du Second Empire.

Le 04 Septembre, les députés Républicains forment un gouvernement de Défense Nationale pour faire face à l’envahisseur.

Ce même jour, le Maire d’Yèvres, Monsieur GODEFROI, organise les élections des cadres pour diriger les deux compagnies (loi du 12 Août 1870). Le 15 Septembre, le Maire organise la présentation des chefs respectifs des deux compagnies.

Organigramme des deux compagnies, placées sous commandement du 1er Capitaine Albert LECOT, charron à Yèvres.

1ère Compagnie : – 2ème Capitaine : Désiré VALLÉE

  • 4 Lieutenants
  • 8 Sergents
  • 16 Caporaux
  • 160 Hommes

2ème Compagnie : 3ème Capitaine : Michel FEZARD

  • 3 Lieutenants 
  • 6 Sergents                            
  • 12 Caporaux                         
  • 120 Hommes 

En dehors de la Garde Nationale, tous ces hommes habitent et travaillent sur la commune d’Yèvres.

Nous retrouverons leurs noms (pour certains) sur les listes de remboursements des réquisitions :

  • Félix SERGENT (Sergent fourrier) aubergiste à Yèvres,
  • Pépin LEDUC (Caporal) cultivateur à Bourgeâtre,
  • François BOIZARD (Lieutenant) cultivateur à Morville,
  • Pierre BOUCHOURS (Sergent) cultivateur à Morville,
  • Louis VIVIER (2ème Sous-Lieutenant) cultivateur à Bougeâtre.

L’armement se compose de fusils de guerre, de fusils de chasse et de « faulx » emmanchées d’un long bâton.

Nous avons un aperçu de la tenue des Gardes Sédentaires par la séance du Conseil Municipal d’Illiers du 19 Septembre 1870.

La cantinère sera habillée aux frais de la Commune. La blouse bleue est admise comme uniforme facultatif pour la Garde Nationale. La municipalité fournira les signes distinctifs qui seront fixés sur les épaules et les manches pour ceux qui seront reconnus ne pouvoir supporter cette dépense et qui en feront la demande. 

Le Maire est autorisé à traiter pour l’achat de 100 képis.

Comme l’écrit le Préfet :  » Ces forces ne permettent pas de résister à des troupes régulières, mais elles sont suffisantes pour repousser les maraudeurs et les éclaireurs ennemis qui se présenteraient sans être appuyés de forces sérieuses ». 

Le 7 Octobre 1870, Gambetta quitte Paris assiégé à bord d’un ballon et rejoint Tours afin d’organiser la résistance à l’invasion prussienne.

L’armée de la Loire (avec le Général Chanzy) qui veut délivrer Paris est arrêtée par les Bavarois à Arthenay.

L’ennemi occupe la région de Varize-Civry.

Leurs éclaireurs envoyés dans ce villages sont tués et en représailles toutes les maisons sont brûlées.

Le 18 Octobre, vers midi, l’ennemi est aux portes de Châteaudun défendue par les Francs-Tireurs et les Gardes Nationaux de Châteaudun et de Brou (environ 700 hommes).

Vers 14 heures, les Prussiens reculent en laissant 1 000 tués. Ils reviennent avec 12 000 hommes et 24 canons et au milieu de la nuit ils deviennent les maîtres d’un amas de ruines.

La population s’est retirée par le pont Saint-Jean pour se réfugier vers Brou et Nogent-le-Rotrou.

Gambetta écrit :  » La résistance de Châteaudun peut être mise à côté des pages les plus héroïques de notre histoire ». C’est pourquoi les armes de la ville sont décorées de la Légion d’Honneur.

Le lendemain des combats du 18 Octobre, le canton de Brou s’attend à l’invasion prussienne.

Le 19 Octobre 1870, le conseil de défense du canton de Brou se réunit et prend certaines décisions :

  • Vu l’absence de forces régulières et le manque de moyens, la ville de Brou n’opposera pas de résistance à l’ennemi. Elle ne le fera que sur l’ordre d’un chef supérieur suivi de troupes régulières en grand nombre,
  • Si la ville est sommée de se soumettre aux réquisitions, elle ne le fera que sur l’ordre d’un chef supérieur suivi de troupes régulières en grand nombre,
  • Si la force qui se présente est en petit nombre, les réquisitions ne seront point accordées,
  • Les armes possédées par la population seront déposées à la Mairie afin de les soustraire à l’ennemi.

Durant ce mois d’Octobre 1870, les combats sont fréquents et il y a de nombreuses victimes et des blessés. Le 1er Novembre, le Conseil de Brou se réunit pour l’organisation des secours sous la présidence de M. BAUDIN, Maire.

Les décisions suivantes sont prises :

  • Désignation d’un local pour établir l’Ambulance : M. THALBERT, médecin, propose les chambres de l’Hospice où il peut être mis 30 lits et, en cas de besoin, la chapelle pourrait servir d’annexe.
  • Si cela s’avère insuffisant, les maisons particulières libres les plus convenables pourraient convenir.
  • Il sera fait appel aux habitants pour fournir du mobilier de literie.
  • Le Conseil autorise le Maire à emprunter pour assurer les secours aux blessés.

Signalement d’un espion prussien : un espion prussien voyage dans toutes les campagnes comme marchand boucher ; il a une voiture de boucher, un cheval pêche très mal garni.

Taille : 1 m 60, cheveux et sourcils blonds commençant à griser, barbe blonde impériale et moustache grise ; âgé d’environ 55 ans, mal habillé, en blouse et en paletot couvert d’une limousine.

Très haut d’épaules et bossu, il est flamand et parle allemand tout aussi bien que les Prussiens.

Après leur défaite de Coulmier dans le Loiret le 9 Novembre 1870, les troupes allemandes se replient sur l’Eure-et-Loir afin d’organiser une contre-attaque contre les troupes de Chanzy. Les troupes du Prince Albert entrent dans Illiers le 21 Novembre, puis déferlent sur les communes de Brou et d’Yèvres.

Au Conseil de Brou, le maire fait part des pillages causés par le séjour des prussiens, ainsi que le transport d’objets d’une maison à une autre. Il est décidé d’instituer une commission qui aura pour tâche de restituer aux habitants leurs biens légitimes, afin d’éviter les constestations en cas de demandes multiples pour un même objet, ces objets ayant été portés à la mairie.

Un détachement de l’Armée de la Loire, commandée par le Général de SONIS, après avoir récupéré Châteaudun, vient attaquer les troupes du Prince Albert à Yèvres le 25 Novembre 1870, avec succès, mais craignant de se trouver devant des forces supérieures, se replie aussitôt sur Châteaudun. C’est pourquoi, au soir de ce combat, les Prussiens sont toujours à Yèvres.

Les fusils remis aux Prussiens le 15 Novembre ont été brisés par eux à la Croix-Verte et jetés dans la rivière, près du pont d’Yèvres : 34 fusils, 5 pistolets et 10 fusils de chasse. Les gardes nationaux avaient réussis à soustraire à l’ennemi 19 fusils, cachés dans le cimetière, mais les Prussiens les ont découverts et brisés pendant l’armistice.

Une « compagnie » française est arrivée à Châteaudun le jour des combats (25 Novembre). Elle avait commandé 2 fournées de pain au boulanger d’Yèvres, mais le 27 Novembre au soir, tout le pain a été emporté par les troupes ennemies. Ces dernieres sont reparties le 28 Novembre à la poursuite du détachement français pour se retrouver en première ligne, le 1er Décembre, à la bataille de Loigny.

Le 02 Décembre 1870, 150. 000 Allemands, avec 400 canons, attendent sur un front de 12 km l’assaut des Français. Le Général Chanzy attaque avec 35. 000 hommes, mais il est contraint de reculer. Le Général de Sonis et 1. 200 hommes se sacrifient pour couvrir la retraite de ce corps d’Armée de la Loire. Au soir de cette bataille, il y a 9. 000 victimes : 4.000 hommes Allemands et 5.000 Français. Des milliers de blessés attendent les secours : ils restent étendus toute la nuit par une température de -20°C. Aujourd’hui, nous pouvons voir dans la crypte de l’église de Loigny un ossuaire de 1.200 soldats Français.

Le 19 Octobre 1870, le conseil de défense du canton de Brou se réunit et prend certaines décisions :

  • Du 10 au 20 Novembre 1870 : le 30ème régiment de Marche réquisitionne du foin, de la paille et de la nourriture à M. Isidor Gadde, cultivateur à la Guitonnière.
  • Le 21 : les éclaireurs de Gironde reçoivent avoine et nourriture de Mmes Sergent et Granchet, aubergistes.
  • Le 25, au soir de la bataille d’Yèvres, M. Cogneau, meunier au Moulin-Georges, a fourni un cheval et ses harnais, et M. Lécot, charron, un cheval avec ses harnais et une voiture.
  • Les 25 et 26 : 30 hommes de l’ambulance on été nourris à la Guitonnière.

Toutes ces réquisitions ont été indemnisées aprés 1871.

Par contre, les Allemands signaient parfois des bons de réquisitions mais se livraient aussi au pillage. Une partie des indemnités fut versée aprés un plaidoyer au Tribunal de Châteaudun, une fois la guerre terminée.

Les Allemands ont envahi la commune du 23 au 28 Novembre, puis le 16 Décembre en pourchassant l’Armée de la Loire qui se repliait vers la Sarthe. L’Armistice est signée le 28 Janvier 1871, et les troupes Allemandes, revenant sur Paris, repassent à Yèvres où 55 cultivateurs fournissent : 23.150 l d’avoine, 800 bottes de 5 kg de fourrage, 174 bottes de pailles, 7 vaches, 4 moutons, 1 porc, 450 kg de pain, 300 kg de viande, de la volaille, du vin et du cidre.

Un rapport du 24 Février 1872, de M. Plessis, Maire, fait état d’une seconde vague de troupes Allemandes. Ces troupes et leurs chevaux ont été nourris par la commune mais aussi par certains habitants qui les logeaient, principalement dans les hameaux.

 

Le Préfet Allemand Winter a contraint les habitants d’Eure-et-Loir à un impôt supplémentaire pour les mois de Novembre, Décembre 1870 et Janvier 1871. Les 1.200 contribuables d’Yèvres se sont acquittés d’un total de 5.412,64 F. Le Préfet avait accordé une remise de 2% aux maires pour la réception de cet impôt ! Mais en Juillet 1871, la préfecture de Chartres a demandé des explications au maire d’Yèvres concernant l’utilisation de ces 2%.

A partir de Mars 1871, le département est débarrassé des troupes ennemies. Le pillage était important, surtout dans les fermes. Les troupes emportaient l’essentiel, le surplus restant sur le terrain. Le 26 Juillet 1871, une vente d’objets provenant de l’invasion ennemie est faite par la mairie d’Yèvres.

Il a été vendu du maïs, de la farine, de la vesce, de l’avoine et du blé. M. Baudin, tanneur à Brou, a acheté les peaux des animaux abattus par les Prussiens. Les agriculteurs ont récupéré environ 50 chevaux, chétifs et en mauvais état, pour des sommes modiques afin de compenser les pertes subies pendant la guerre. Idem pour la vente de voitures, carrioles et harnais.

Sur le plan agricole, les récoltes furent désastreuses en 1871, en raison d’un ensemencement trop précoce en 1870, en prévision de l’occupation ennemie, et du gel à -20°C dans la nuit du 2 au 3 Décembre qui fit geler les blés.

Le passage des cavaleries dans les champs saccageait également les plantes.

L’Angleterre, émue par le malheur de la France, vint au secours des agriculteurs en envoyant des semences. Le canton de Brou a reçu une aide de la Société des Amis, connue en Angleterre sous le nom de Quakers. Cette aide s’est prolongée jusqu’à l’automne 1871.

Pour remercier ces Sociétés Anglaises de leur aide, une association Française, l’Oeuvre Patriotique, a organisé au printemps 1872 un hommage aux Anglais qui consista en un grand nombre de signatures recueillies sur des feuilles portant le nom de chaque commune bénéficiaire, et destinées, après avoir été reliées en volume, à être remises dans une bibliothèque en Angleterre.

D’après les recherches de M. Jean-Claude BAILLEAU que nous remercions. 

La Guerre de 1939-1945 

L’évènement le plus important pour la commune d’Yèvres pendant la Seconde Guerre Mondiale est le crash d’un avion allié sur son territoire. 

En effet, le 28 juillet 1944, environ 500 avions décollent de plusieurs Bases Militaires en Grande-Bretagne.
Objectif : Stuttgart, en Allemagne, afin d’aller bombarder les usines Daimler-Benz et Bosh qui fabriquent les bombes volantes V-1. 

Parmi ces avions, le Bombardier du 75ème Squadron Royal Air Force « Avro-Lancaster NE 148 », désigné AA-H et surnommé « Howzat », est parti de la base de Mepal (Comté de Cambridge). 

Le plan de vol est de se diriger, de nuit, vers Orléans avant de bifurquer vers l’Allemagne. 

Le puissant radar allemand de Favières (entre Châteauneuf-en-Thymerais et Courville-sur-Eure) détecte la formation aérienne alliée et averti les chasseurs allemands basés à Châteaudun (le NJG 2 avec ses bimoteurs Junker 88, rapides et sur-équipés). 

Les avions alliés sont pris en chasse par l’arrière et par en-dessous. 

Au cours de l’attaque, Howzat est touché aux environs de Châteaudun. Les moteurs en feu, il fait demi-tour, largue ses bombes dans les Bois de Sonnay (près de Dangeau), tournoie sur lui-même et se crashe près du Hameau du Ménard (commune d’Yèvres). Il est environ 00h30 (heure anglaise) le 29 juillet 1944. 

Le Lieutenant Stokes avait donné l’ordre à son équipage de sauter en parachute. Il meurt dans le crash. Le mitrailleur arrière, le Sergent Norman Wilding, avait été mortellement touché durant l’attaque ennemie. 

Les dépouilles calcinées des deux aviateurs sont rassemblées par les habitants des hameaux proches du crash. 

L’occupant refuse qu’ils soient enterrés dans le cimetière d’Yèvres. Cependant, le Maire, M. Émile DELAVALLÉE, accompagné de MM. Maurice NOËL, Cyprien CHABOCHE et quelques autres, rendirent hommage aux victimes en les enterrant dans un cercueil et, quelques nuits plus tard, en les inhumant définitivement dans le cimetière communal. 

Yèvres est libéré le 11 août 1944 et le dimanche 10 septembre, en présence de 2500 personnes, les honneurs militaires et religieux sont rendus à ces deux héros. 

Jusqu’en 1950, une cérémonie annuelle du souvenir est organisée par la Municipalité. 

L’Abbé LARSONNEAU est remplacé en 1951 par l’Abbé LÉRÉTRIF Ce dernier, avec le Lieutenant-Colonel PARK, président de l’Association de la R.A.F en France, apporte une nouvelle dimension à cet hommage ; Le Général WILSON, de la Légion Britannique apporte aussi son concours. 

Au décès de l’Abbé Lérétrif, en 1984, M. Maurice BOUVARD crée l’Association du Souvenir Franco-Allié d’Yèvres. 

Voir l’Historique de cette Association dans la Rubrique : « SE DÉTENDRE » 

 

 

Piloté par le Lt Stokes, il avait été baptisé « HOWZAT ». 

On peut voir sur le nez de l’appareil le canard « Donald » envoyant un projectile et, au-dessus, le nombre d’opérations éffectuées, schématisées par des bombes. 

Une réplique (en 4 exemplaires) de cet appareil au 1/40ème a été réalisée par M. Lucien SEIGNEURET, peinte avec art et précision par M. Olivier FARAULT. L’une d’elles est exposée à la Mairie d’Yèvres. 

C’est le titre du livre écrit par l’écrivain et historien néo-zélandais Glyn STRANGE en 2004 et réédité et complété en 2019. 

Il relate l’histoire de cet avion avec ses membres d’équipages, illustré de nombreuses photos . 

Cet ouvrage est en vente en Mairie d’Yèvres ou auprès des membres de l’Association du Souvenir Franco-Allié. 

 
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